Accueil > Actualités > Ces entreprises provençales converties au télétravail (La Provence, le 30 septembre 2020)
Retour
Actualités

Ces entreprises provençales converties au télétravail (La Provence, le 30 septembre 2020)

Plusieurs sociétés ont développé le télétravail après le confinement et envisagent divers projets en la matière, mais un cadre réglementaire est désormais plus que nécessaire.

 

La crise provoquée par le coronavirus a notamment bouleversé la manière de travailler. Durant le confinement imposé, le télétravail a en effet littéralement explosé et est devenu la norme pour quantité de salariés. "Il y a eu une accélération indéniable car nous nous sommes rendus compte que de nombreuses activités pouvaient être réalisées à distance. Cette crise a ouvert un nouveau champ des possibles, tout le monde sent bien que les pratiques vont être durablement transformées, et qu’un plafond de verre a été brisé", souligne Jean-Luc Chauvin, le président de la CCI Aix-Marseille-Provence.

 

Pour autant, plusieurs mois après le confinement, rares sont les entreprises à avoir fait le choix de maintenir le travail à distance. Seulement 10 % sont en télétravail aujourd’hui, contre une sur deux en mai dernier… Un taux à peine supérieur à la moyenne enregistrée avant la crise sanitaire, où 7 % des salariés français pratiquaient le télétravail, selon une étude du Forum Vies Mobiles. Un taux particulièrement bas reléguant la France en queue de peloton européen. Un engouement très limité ayant obligé Olivier Véran, le ministre des Solidarités et de la Santé, à exhorter les entreprises à avoir recours au télétravail, le week-end dernier. "Il ne faut pas avoir peur du télétravail", a-t-il ainsi martelé, assurant qu’il fallait même l’encourager dans les zones d’alerte maximale… comme à Marseille !

 

Une adoption du télétravail bien en amont

 

Mais certaines sociétés provençales n’ont pas attendu cet appel pour adopter et développer le télétravail, plusieurs mois après le confinement, en l’adaptant à leurs métiers et à leurs activités, à l’image des Mutuelles du Soleil. "Nous sommes souvent désigné comme les pionniers dans ce domaine, après nous avoir dit que c’était utopique, voire illusoire… Nous avons été parmi les premiers à vraiment en parler et à le proposer concrètement à nos salariés. Et le coronavirus a été comme un accélérateur en la matière, et a encouragé l’ensemble des collaborateurs à s’en saisir comme d’une vraie possibilité", affirme Claude Leblois, le directeur général des Mutuelles du Soleil, spécialisées dans la protection sociale, qui précise que sa société n’a eu "aucune difficulté à s’adapter au coronavirus de ce fait !"

 

"De notre côté, après le confinement, nous sommes passés à deux jours de télétravail par semaine, et tout se passe bien. Nous travaillons énormément en visioconférence et d’importants investissements ont été effectués sur le sujet. Les équipes y trouvent un intérêt et même moi, en tant que manager, je l’utilise. D’ailleurs, je trouve que ma productivité est incroyable car je suis moins dérangé par les sollicitations quotidiennes que lorsque je suis présent physiquement au bureau", indique Sébastien Ratinaud, le directeur commercial adjoint du courtier indépendant en assurances marseillais Delta assurances. Et d’ajouter : "Tous les postes sont organisés pour être gérés en télétravail et, d’ailleurs, ce sont les grands oubliés, mais je félicite nos services informatiques qui réalisent un boulot énorme dans ce changement d’organisation pour apporter le même service aux utilisateurs quand ils sont à leur domicile !"

 

"Le groupe EDF a également été impacté par la crise de la Covid-19 et a dû s’adapter très rapidement pour permettre, avec succès, lors du confinement, à ses 70 000 salariés de travailler à distance", indique de son côté Jean-Paul Romet, le délégué emploi, RH et RSE d’EDF délégation Sud-Paca. "Le télétravail est possible plus largement : c’est l’un des principaux enseignements de la période de crise. Il permet davantage de confiance, d’autonomie, et implique de manager autrement. La performance a été au rendez-vous dans cette période particulière", précise-t-il.

 

Des éléments qui, en plus des encouragements offensifs d’Olivier Véran, ont certainement incité le groupe CMA CGM a tout récemment décidé de remettre en place le télétravail alterné, comme cela était le cas jusqu’au 14 septembre dernier. "La plupart des collaborateurs du Head Office, à Marseille, ainsi que plusieurs agences dans le monde, travaillent désormais à distance. Ils disposent d’un accès à tous les outils, dossiers et logiciels afin de répondre aux besoins et de continuer à soutenir les différentes activités", précise le groupe, qui emploie 2300 salariés dans sa tour marseillaise, qui fonctionnent de nouveaux en équipes A et B afin qu’il n’y ait pas plus de 1000 personnes en même temps dans les locaux.

 

Des perspectives, des projets, mais un cadre à fixer

 

Au-delà de la mise ou remise en place du télétravail, de nouvelles perspectives et autres projets sont envisagés par plusieurs sociétés provençales. "Nous allons continuer dans ce sens et même arriver, je pense, sur du bureau partagé. Pour les jours de présence au bureau, on s’installe où il y a un poste libre. Un groupe de collaborateurs travaille sur le sujet actuellement", confie ainsi Sébastien Ratinaud, le directeur commercial adjoint de Delta assurances.

 

"Sur la base des enseignements tirés de la période de crise sanitaire Covid-19 et des expérimentations entreprises dans le cadre du projet "TAMA" (Travailler autrement, manager autrement), une négociation collective sera ouverte d’ici à la fin de l’année 2020 ainsi que des concertations visant à améliorer les organisations du travail. Les résultats des expérimentations TAMA alimenteront la négociation ou la renégociation collective des accords EDF sur le télétravail, la responsabilisation, la mobilité durable ou la prévention des risques", avance Jean-Paul Romet, le délégué emploi, RH et RSE régional d’EDF.

 

"Si nous poussons le télétravail, nous pouvons résoudre un certain nombre de problématiques de notre territoire, comme en matière de transport et de mobilité", insiste pour sa part Fabrice Alimi, le vice-président de la CCI Aix-Marseille-Provence délégué à l’emploi, l’insertion et orientation, qui est également président de la Fédération Française des Clubs Immobiliers (FFCI). "Sans parler des économies substantielles pouvant être réalisées sur les immobilisations, les frais d’entretien… qui pourrait être "refléchées" afin d’améliorer la qualité des logements, avec l’installation d’une pièce connectée favorisant le travail à distance !", se projette le dirigeant.

 

Tout cela accroît, par conséquent, la nécessité de fixer les contours et les règles du télétravail, après le test géant réalisé durant le confinement. "Le télétravail est une possibilité du moment qu’on peut le faire. Il y a certains métiers qui sont très en phase, mais n’oublions pas que les collaborateurs ne sont pas tous pour le télétravail, car ils ont besoin d’aller dans l’entreprise, de sentir ce sentiment d’appartenance à son entreprise, etc. C’est important aussi d’avoir ce lien social avec les autres collaborateurs", nuance Philippe Korcia, le président de l’UPE13. Un lien d’autant plus important que, selon Sandrine Magnan, la déléguée générale de Présanse Paca Corse, l’association des services de santé au travail de Provence-Alpes-Côte d’Azur, "le télétravail peut aussi générer un sentiment d’isolement quand tout passe par les moyens technologiques. Il faut faire attention aux effets pervers : le développement du télétravail doit être accompagné et encadré. De la même manière, il est indispensable de faire attention aux troubles musculo-squelettiques (TMS) : en entreprise, on est souvent en mouvement, ce qui n’est pas forcément le cas à la maison…"

 

De ce fait, Philippe Korcia, appelle de ses vœux "qu’on ne mette pas dans le droit du travail une nouvelle législation uniquement focusée sur le télétravail. J’aimerais plutôt qu’on laisse les entreprises gérer elles-mêmes cet aspect avec leurs collaborateurs. Je pense qu’on est assez mature pour le faire. Donc le télétravail, pourquoi pas, mais laissons les entreprises réglaient cela avec leurs salariés ou par branche !"

 

Par Julien Pompey

Nous écrire
Les champs indiqués par un astérisque (*) sont obligatoires
Nos références